Test de KARMA: The Dark World - Une plongée dans un cauchemar dystopique
Le test du jeu KARMA: The Dark World, édité par Wired Productions et développé par Pollard Studio, a été réalisé sur PC.


Sommaire
KARMA: The Dark World

Le monde est gris. Il sent la cendre froide et la peur. Les néons grésillent dans les rues humides d’une ville sans nom, où les ombres s’étirent comme des spectres prêts à vous engloutir.
KARMA: The Dark World est une descente dans l’abîme, une plongée dans un univers dystopique aux accents de 1984, où la pensée est un crime et la mémoire une illusion. Développé par Pollard Studio LLC et édité par Wired Productions, Gamera Games, KARMA: The Dark World frappe immédiatement notre imaginaire par son ambiance cauchemardesque. Mais un cauchemar suffit - il à faire un grand jeu ? Réponse, avec le test de KARMA: The Dark World réalisé sur PC.
KARMA: The Dark World est un voyage dans un cauchemar dystopique, un labyrinthe mental à la croisée de David Lynch, George Orwell et Christopher Nolan
L'histoire de KARMA: The Dark World
Daniel McGovern est un agent Roam. Sa mission ? Plonger dans l’esprit des suspects pour extraire la vérité. C’est un enquêteur du bureau de la pensée, une division secrète de Leviathan Corporation, l’organe tout-puissant qui régit ce monde. Lorsque McGovern est envoyé interroger un dissident, tout semble suivre le protocole habituel. Mais au fil de ses incursions dans l’esprit du suspect, la réalité se fissure.
C’est ce qui différencie Karma de jeux qui traitent d’univers bureaucratique et intrusif comme Beholder, c’est la suffocation face à cet univers semi carcéral. Nous ne sommes pas en apnée, nous sommes avec un sac plastique sur la tête percé de petits trous, haletant pour tenir aussi longtemps que possible.

Des voix chuchotent à l’oreille du joueur, des mannequins bougent quand on ne regarde pas, des êtres amorphes aux membres surnuméraires hantent les couloirs de l’inconscient. Leviathan dissimule quelque chose. Un mensonge enfoui sous des strates de propagande et de peur. Mais chaque réponse trouvée amène une autre question, et plus McGovern creuse, plus son propre passé se dilue dans l’abîme.
La mise en scène joue avec le symbolisme Orwellien, affichant en grand des slogans menaçants sur les flancs d’un zeppelin titanesque : "Mother Is Watching You". Leviathan contrôle tout. Même vos souvenirs. Même votre âme.

Il y a différent type d’horreur. Celle qui vous montre une tête coupée qui dévale un escalier. Le genre qu’on peut retrouver dans le jeu Visage. Celle qui vous montre une araignée de la taille d’un ours. Et la terreur, quand vous rentrez chez vous et constatez que tout ce que vous possédez a été emporté et remplacé par un substitut exact. C’est quand les lumières s’éteignent et que vous sentez quelque chose derrière vous, vous l’entendez, vous sentez son souffle contre votre oreille, mais quand vous vous retournez, il n’y a plus rien…
Karma vous entraine dans un univers où le terrifiant n’est pas ostentatoire, où le cauchemar n’est pas sanguinolent, où la peur n’est pas évidente.


Game System
KARMA n’est pas un jeu où l’on triomphe. C’est un jeu où l’on s’enfonce.
La mécanique principale repose sur l’exploration et la résolution d’énigmes dans les bureaux du Thought Bureau, puis dans l’esprit de vos suspects. Ces plongées mentales sont le théâtre de séquences dérangeantes où le réel se décompose : pièces impossibles, couloirs sans fin, distorsions temporelles.


Il faut fouiller, assembler des indices, résoudre des puzzles parfois astucieux, parfois trop évidents.
Mais le jeu est également miné par sa propre lenteur. Certaines séquences traînent en longueur, des allers-retours inutiles cassent le rythme, et l’ensemble peine à maintenir une tension constante. Si l’atmosphère est réussie, KARMA s’embourbe parfois dans des mécaniques trop rigides et une narration qui ne sait pas toujours où elle veut aller. C’est tout le paradoxe de la grande majorité des jeux narratifs, à force de trop se focaliser sur l’ambiance, on en oublie l’interaction.


De plus, Karma ne jouant pas sur les jump scare facile et les courses poursuites avec des démons, la tension naissant de l’atmosphere générale, il est plus dur de maintenir cette tension qui est pourtant là par moment. C’est son univers fascinant qui nous pousse à poursuivre notre route vers ces terres oniriques désenchantées.

La deuxième partie du titre, qui mise plus sur le scénario et les dialogues, souffre de ce choix qui étire inutilement le récit.
Graphisme
KARMA est une lettre d’amour à l’esthétique retro-tech dystopique. Bureaux froids bardés de moniteurs cathodiques, fichiers papier classés par couleur, téléphones à cadran, écrans verts et statiques parasites… Tout sent les années 70-80, l’époque où l’informatique était encore une bête hostile, où la bureaucratie était une religion. Il y a des similitudes avec le jeu Observer, Orwell ayant inspiré bien des œuvres, mais la pattes retro tech donne toute sa personnalité au titre, et tranche avec les habituelles dystopies plutôt cyberpunk qu’on a eu la chance de tester.


La mise en scène emprunte aux codes de Lynch, notamment avec cette salle bordée de rideaux rouges et son parquet en zig-zag, réminiscence directe de la Red Room de Twin Peaks. Les décors alternent entre béton brut, verre trempé et atmosphères liquides, comme si l’univers lui-même était une entité vivante, mouvante, prête à se refermer sur vous.

C’est sans conteste l’un des plus gros points forts du jeu. L’univers est visuellement marquant, tout en étant emplit d’un sens qui fait écho avec notre expérience à tous. Absurdité de la vie dans les bureaux, obéissance à un ordre établit, non remise en cause de l’injustice…
Tout fait sens dans une ode macabre à la SF des années 80 qui n’a jamais été d’autant d’actualité malheureusement.

Bande son
La musique n’est pas là pour vous rassurer. Elle est là pour peser sur vous, comme un couvercle sur une boîte où manque l’air. Synthétiseurs modulaires, drones industriels, chuchotements parasites, nappes sonores qui se brisent en échos métalliques… La bande-son de KARMA réalisée par Geng Li est un grondement sous-jacent, une alarme qui ne s’éteint jamais complètement.
Le jeu excelle dans le sound design : pas étouffés sur la moquette des bureaux, craquements de néons défaillants, soupirs des ventilations obstruées… le tout doublé avec beaucoup de talent par les comédiens qui rendent vibrantes toutes les scènes et mémorable de tension les rencontres avec les autres… peu importe qui « les autres » sont.

Mon avis concernant KARMA: The Dark World sur PC
KARMA: The Dark World est un voyage dans un cauchemar dystopique, un labyrinthe mental à la croisée de David Lynch, George Orwell et Christopher Nolan. Il pose des questions sur le contrôle, la mémoire, la réalité. Il déroule une esthétique sombre, rétro-futuriste, qui marque la rétine et laisse une empreinte.
Dans l’univers de KARMA, il n’y a ni victoire, ni évasion, seulement la certitude glaçante que chaque pas en avant est un pas de plus dans la dissolution de soi. Comme un reflet brisé dans un miroir sans tain, le jeu nous force à scruter notre propre visage sans jamais être certain qu’il nous appartient encore.
Leviathan veille. Les machines enregistrent. Les souvenirs se modifient. Ce que vous croyez vrai aujourd’hui ne sera peut-être qu’un rêve creux demain. KARMA est une descente vertigineuse où la peur ne surgit pas, elle s’infiltre. Comme une idée interdite que l’on n’ose formuler. Comme un murmure sous la peau.
Mother is watching. Always.