La plus grande collection de jeux vidéo se trouve à la BnF
Le 11 décembre 2018, j'ai participé au second colloque national sur la préservation des jeux vidéo.
Sauvegarder le patrimoine jeux vidéo
Organisée par le C.N.J.V. (Conservatoire National du Jeu Vidéo) et la Bibliothèque Nationale de France, cette journée était l'occasion d'échanger autour de tables rondes avec des chercheurs, des conservateurs, des développeurs, des éditeurs, des producteurs, des journalistes, et encore pleins d'autres professions, à propos d'un enjeu majeur concernant la sauvegarde du patrimoine vidéoludique : jeux vidéo : sauvegarder la mémoire, et après ?
L'obsolescence des machines et de leurs supports est un problème majeur
Mission de sauvegarde du patrimoine national
Oui, parce que la BNF, ce n'est pas que des vieux livres... Si vous ne le savez pas, le service audiovisuel de la BNF, a mis en place un plan de sauvegarde par numérisation des documents fragiles. L'origine de ce département remonte aux archives de la Parole, créées en 1911 par le linguiste Ferdinand Brunot qui s’était donné pour mission d'enregistrer les langues régionales et diverses personnalités. En 1938, la Phonothèque national créée en 1938 reçoit le dépôt légal des phonogrammes, et en 1977, ce service rejoint la bibliothèque nationale et le dépôt légal s’étend également sur la vidéo et les documents multimédia, dont les jeux vidéo qu'ils soient sur disquettes, cartouches, CD, clés USB, Blu-Ray, etc.
Le dépôt légal des jeux vidéo
Un dépôt légal est l'obligation faite aux studio de développement et/ou aux éditeurs, de déposer au sein de la bibliothèque nationale, un ou plusieurs exemplaires des documents qu'ils produisent ou diffusent. Pour faire simple et pour reprendre le sujet qui nous intéresse, la BNF reçoit (en principe) deux exemplaires physiques de chaque jeu vidéo sorti sur le sol français. À savoir, toutes les éditions commerciales, ainsi que les titres non commercialisés des jeux vidéo. En gros, la BNF ne va pas recevoir qu'un seul exemplaire, mais tous les exemplaires commercialisés correspondant à un code EAN différent. C'est-à-dire, la version de base, l'édition Gold, la version collector avec la figurine, la version GOTY, etc., etc.
Sur ces deux exemplaires, le département de l'Audiovisuelle de la BNF situé à Paris, réalise une sauvegarde du premier sur un autre support, afin de le conserver, accompagné d'une fiche descriptif bibliographique. Cette démarche de copie enregistrée est tout à fait légale grâce à la mission patrimoniale. Si au départ, la sauvegarde se faisait sur des bandes magnétiques, elle se fait maintenant sur des contenus numériques à partir de l'original par des archivistes, qui ont développé une véritable expertise au fil du temps. L'exemplaire est alors soigneusement rangé dans des salles à la température et à l'hygrométrie parfaitement contrôlées.
Le second exemplaire reste scellé, et envoyé dans un endroit sous terre quelque part en France. L'endroit est bien entendu tenu secret ! Par ailleurs, la BNF procède à de nombreuses autres acquisitions d’associations et de particuliers, pour compléter sa collection de jeux sortis avant le décret du dépôt légal et des jeux sortis dans d'autres pays étrangers. Aujourd'hui, la collection est riche de plus de 17 000 titres. Les plus anciens titres conservés remontent au milieu des années 1970. C'est l’une des plus importantes collections patrimoniales de jeux vidéo. Vous comprendrez facilement qu'il existe des bêtes noires à cette mission : les DRM dans le jeu vidéo, les jeux exclusivement dématérialisés, les jeux avec activation sur serveurs distants, les extensions, les jeux qui se lance avec un dongle, ainsi que les patchs de jeux.
Collecter, conserver et communiquer autour des jeux
Consultation du public
L'idée est de converser ce fonds patrimonial vidéoludique à long terme afin de le rendre accessible dans des salles de lecture, aux personnes accréditées comme les historiens, les chercheurs et les sociologues, mais aussi au public dans une base d'émulation. On ne le sait peut-être pas encore, mais dans 100 ans, on pourrait se demander comment on jouait sur Wii.
Il faut savoir que les nouveaux supports n’ont pas une durée de vie illimitée. L'obsolescence des machines et de leurs supports est un problème majeur pour garder en état de marche les jeux. Par exemple, on dit qu'une disquette ou une K7 ont une durée de vie de 30 ans si on ne l'utilise pas et à peine quelques années si on l'utilise. Pour un CD-ROM, la durée de vie est de 100 ans, mais elle est réduite sur une utilisation régulière. En gros, votre collection de jeux vidéo que vous vous êtes constitués depuis quelques années, ne possédera plus aucune donnée utilisable d'ici quelques années. Pensez-y !
Ce 11 décembre 2018, j'ai pu visiter ce centre et discuter avec le personnel chargé de copier les données d’un jeu. Dans le jargon de l'émulation, on parle de dump. Au dernier étage de la BNF, au cœur de la salle Charles Cros qui rassemble déjà plus de 1 400 appareils phonographes, on trouve une partie de la collection de machines et d'accessoires. Une soixantaine de consoles de jeux qui racontent l'histoire culturelle des Français : des bornes d'arcade et dans des vitrines spécialement conçues pour ne pas détériorer les matériaux, on découvre une belle collection de vieilles machines dont l'Odyssey, la première console produite par Magnavox en 1972.
Mais, le plus intéressant se trouve au sous-sol de la BnF, à plusieurs mètres sous terre. L'endroit y est bien évidemment interdit au public et rigoureusement contrôlé.
On trouve des palettes de boîtes de rangement de tailles et de couleurs différentes, qui serviront à stocker toute la collection de jeux vidéo.
Tout ce qui est lié aux jeux vidéo, est stocké dans des magasins. Voici par exemple, des figurines Skylanders accompagnées bien évidemment de son emballage d'origine et de ses cartes à jouer. Les boîtes sont découpées sans rien détériorer et les objets sont manipulés avec le plus grand soin.
Rangés dans des compactus (étagères mobiles, voir visuel en haut de l'article), la BNF possède plusieurs magasins avec une grande quantité de jeux répertoriés...
Lors de ma visite, je n'ai pas eu l'opportunité de visiter une salle serveurs où sont stockés les jeux, ni pu voir comment les dumps de jeux se faisaient concrètement. Mais j'ai pu rentrer dans une salle où les archivistes étaient en train de copier des films sur DVD et où ils enregistraient des vinyles.
Sinon, il fait savoir qu'il existe plusieurs techniques pour sauvegarder un jeu vidéo sur une ROM : avec des dumpeurs pour les jeux sur cartouche, par le biais de logiciels achetés ou réalisés en interne pour des DVD ou des disquettes, ou par des techniques un peu plus poussées, comme par exemple, en utilisant le réseau WiFi pour les consoles de dernières générations. Le tout, en toute légalité bien entendu.
Si le sujet vous intéresse et si vous souhaitez connaître le déroulement d'un colloque sur la préservation des jeux vidéo, voici la première partie de la vidéo de la première édition qui a eu lieu le 13 décembre 2017.